Remerciements
Cet article a été réalisée par le Comité du Rhône de Judo qui nous a donné l’autorisation de le publier sur le site du club étant donné que Michel en est le professeur.
Cet article n’est pas isolé et fait partie d’une série intitulée « Quelques figures du judo lyonnais » dont le but est de présenter, sous forme de rencontres, les hauts gradés du Rhône.
L’ensemble de ces articles est consultable à l’adresse suivante : Quelques figures du judo lyonnais
Encore merci au Comité du Rhône
Rencontre avec Michel Filieul
Né le 30 janvier 1963, Michel Filieul a débuté le judo en 1975 et obtenu son 6ème dan en 2006. Il est professeur au JAAC et à l’AL Caluire depuis 1990.
En 1975, Michel Filieul a 12 ans et vit à Vénissieux. Comme la plupart des enfants de son âge, il a goûté au football et à l’athlétisme. Son frère Norbert, de quatre ans son aîné, est ceinture marron de judo. Un jour, Michel décide de le suivre, « pour voir ». Le club s’appelle les Arts martiaux de Vénissieux, le professeur Gérard Morfin. « J’ai toujours été attiré par les histoires d’Orient et de samouraïs, cette nouvelle discipline m’a donc tout de suite plu. »
A l’AM Vénissieux, Michel Filieul s’entraîne deux fois par semaine. Très vite, il s’illustre régulièrement lors des interclubs régionaux organisés par Vincent Valente père. En 1978, au terme de sa troisième saison, il est déjà ceinture bleue. Sa famille quitte alors Vénissieux pour emménager à Brignais. Il prend sa licence à l’Amicale laïque, alors entraînée par Maurice Guyon. La rencontre entre Michel et ce nouveau club tombe à pic : d’un côté Michel apporte avec lui un enthousiasme contagieux, de l’autre il s’entend comme larron en foire avec plusieurs futurs piliers du club, tels Frédéric Caillaud, Frédéric Lévêque ou Denis Gilardone… Dans cette ambiance stimulante, les résultats ne se font guère attendre : 3ème des Interrégions cadets en – 62 kg, Michel obtient son 1er dan lors de cette même année 1979, soit quatre ans à peine après ses débuts dans le judo. Il a 16 ans.
Les trois saisons suivantes, Michel va les passer entre Brignais et Saint-Étienne. Il est en effet interne dans un lycée stéphanois, et rentre tous les vendredis en auto-stop pour foncer dare-dare à l’entraînement. En semaine, il bénéficie de l’autorisation exceptionnelle de s’entraîner au Judo club de la Loire. Un immense souvenir : « Georges Baudot et Raymond Moreau étaient deux professeurs passionnés, des as de la pédagogie. Ils avaient tous deux passé deux ans au Japon, chacun leur tour pendant que l’autre s’occupait du club. Leur dojo était vraiment unique en son genre : les kimonos étaient suspendus au plafond par des cintres. Pour les atteindre, il fallait utiliser un long bâton. Et sur le tapis, il y avait des « clients » comme Henri Champavert ou Paul Vial. C’étaient vraiment des années très fortes. »
Surtout, Michel met à profit ces années-là pour apporter un changement décisif à son judo. « Je travaillais beaucoup à partir de seoi ou de kata-guruma de face. Comme j’avais le coude en vrac, je me suis mis à bosser de plus en plus à gauche, pour compenser. Cela m’a permis de devenir quasiment ambidextre. » Une évolution qui conditionnera grandement son cheminement vers le 6ème dan, puisqu’il axera précisément sa recherche autour des seoi.
En 1982, année de l’obtention de son 2ème dan, Michel Filieul effectue son service national à la section Sports armée de Marseille, sous la direction de Jean-Paul Coche. Il se classe 5ème des Championnats de France militaire 1983. A son retour, il se classe 2ème des Interrégions 1985 en – 65 kg (comme en 1981) et participe à ses troisièmes championnats de France. La même année, il obtient son 3ème dan. Il a alors 22 ans dont dix de judo. Le moment semble venu pour lui de se tourner vers l’enseignement.
De 1985 à 1989, Michel enseigne au Dojo Asahi à Condrieu. Brevet d’Etat en 1987, il prend en 1990 la direction de Caluire, en remplacement de son frère Norbert, parti enseigner au Péage de Roussillon et aujourd’hui 5ème dan… A Caluire, Michel se retrouve à la tête de deux clubs : l’Amicale laïque, fondée par Jean-Claude Geynet, et le Jeanne d’Arc Allouettes de Caluire. Pourquoi deux clubs sur une commune de 41 000 habitants ? Parce qu’à l’origine, l’un s’inscrivait dans un courant confessionnel et privé (le JAAC), l’autre dans un courant laïc (l’AL). Entre les deux, il y a Michel, qui s’efforce de transmettre l’approche conviviale qu’il a lui-même connue jadis. « J’ai à la fois l’avantage et l’inconvénient de compter beaucoup de personnes très diplômées parmi mes élèves. C’est un avantage parce que c’est toujours enrichissant pour un groupe de compter des ingénieurs ou des polytechniciens en son sein. Mais cela peut également être un inconvénient dans le sens où cette priorité accordée aux études conduit parfois les élèves à arrêter, ou à mettre parfois le judo entre parenthèses. » Parmi la trentaine de ceintures noires que Michel a formé à ce jour, il y a Ebongué Mouanjo, futur champion de France par équipes 2ème division avec le Grenoble université club en 2002.
Membre du Comité directeur et de la Commission enseignant de la Ligue du Lyonnais, secrétaire adjoint du Comité d’organisation régional des grades et jury au niveau de l’interrégion, Michel Filieul est également bien connu de l’Union sportive des cheminots de France. En tant que compétiteur, il fut en effet abonné au podium du Challenge national de 1986 à 1995, s’imposant en 1986, 1988 et 1995, et se classant deux fois 7ème, en 1989 en Hongrie et en 1995 en Belgique, lors des championnats d’Europe organisés par l’Union sportive internationale des chemins de fer – il fut remplaçant en 1985 en URSS. En 2001, il fut entraîneur national adjoint de l’équipe de France des cheminots, qui se classa 3ème. Il fut également coach à deux reprises de l’équipe SNCF lors de la coupe de France des grandes entreprises (2ème en 2002, 3ème en 2005). Responsable de l’Interrégion Sud-Est Méditerranée, il est depuis octobre 2006 président de la Commission technique nationale de l’USCF.
4ème dan en 1989, 5ème dan en 1996, 6ème dan en 2006, Michel admet être parfois « dérangé » par le judo tel qu’il se pratique de plus en plus aujourd’hui. « J’ai combattu avec des personnes comme Thierry Frémaux, Norbert Butin, Bernard Soyère… C’était une catégorie dense, avec de sacrés techniciens. Et puis il y a eu un virage dans les années 80. Les Soviétiques, notamment, ont mis au goût du jour les pelleteuses et autres saisies à bras le corps. Ces techniques sont souvent efficaces, c’est vrai, mais est-ce encore du judo ? Aujourd’hui, je vois de moins en moins de personnes oser lancer uchi-mata en compétition. A l’inverse, les techniques de dévissage du uchi-mata de l’adversaire, elles, se multiplient. C’est tout un état d’esprit. » Face à cet état d’esprit, Michel préfère une autre approche, plus classique : « J’aime beaucoup travailler sur les jambes du partenaire. Cela me permet de créer le déséquilibre, c’est-à-dire les conditions favorables à la mise en place de mon judo debout. Déconstruire pour mieux construire, toujours avoir un coup d’avance : là aussi, c’est un état d’esprit », sourit-il.
Sa ceinture rouge et blanche, obtenue à seulement 43 ans avec ses partenaires Alain L’Herbette, Antoine Malherbe – remplaçant Xavier Plassard, blessé – et Florent Jezequel ? « Je ne parviens pas encore à la porter. Après 31 ans de ceinture noire, ça fait vraiment bizarre. Et puis je sais qu’au Japon les hauts gradés ne la portent qu’à l’occasion de certaines cérémonies… » Michel préfère s’en remettre au temps. « Je vis le judo comme une quête de connaissance, un travail sur soi perpétuel. J’espère d’ailleurs pouvoir aller un jour au Japon, histoire de boucler la boucle. » Le Japon, pays de Shozo Fujii, qu’il eut le privilège d’accompagner en voiture l’année de ses 17 ans. Le Japon, pays de Toshihiko Koga, dont il a étudié en détail les mouvements et la forme de corps : « Lui aussi à dû adapter son judo à ses blessures. Il n’y a pas de fatalité : à force de patience et de volonté, un judoka peut toujours se réinventer ».
Propos recueillis à Oullins les 5 et 27 avril 2007 par Anthony Diao.